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France – Hollande irrité par Obama

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Mercredi dernier, il y avait foule à l’Assemblée nationale française. Convoqués d’urgence une semaine avant la rentrée parlementaire, les députés étaient sous l’oeil des caméras du monde entier. On était même venu de Chine pour écouter le premier ministre Jean-Marc Ayrault tenter de convaincre les élus de l’urgence d’intervenir en Syrie. Pour plusieurs, le souvenir de l’opposition française à la guerre en Irak rendait la scène surréaliste.

 

De tous les chefs d’État, le président François Hollande aura été le plus contrarié par la décision de Barack Obama de consulter le Congrès avant toute intervention en Syrie. Si le prétexte était bon pour reporter à nouveau une échéance qui met mal à l’aise ce président élu pour rompre avec l’interventionnisme de l’ère Bush, il n’en allait pas ainsi en France, où l’on qualifie de désinvolte l’attitude américaine.

 

Forte de son succès récent au Mali, la France était en effet prête à s’engager rapidement dans des représailles destinées à démontrer une fois de plus son rôle dans une région du monde où, bien que déclinante, son influence est toujours centrale. De tous les chefs d’État, François Hollande a été le plus prompt et le plus déterminé à condamner l’attaque au gaz sarin qui aurait été perpétrée le 21 août par les troupes de Bachar al-Assad dans les faubourgs de Damas et qui aurait fait 1429 victimes, dont 426 enfants. La France a d’ailleurs été parmi les premiers à étaler les preuves du massacre. Dès le mois de juin, le quotidien Le Monde avait confirmé l’utilisation en Syrie du puissant gaz neurotoxique inventé en 1938 par l’Allemagne nazie. Plus récemment, l’organisation non gouvernementale Médecin sans frontières a confirmé 355 morts dues à des neurotoxiques. Comme l’ont fait les Américains, le Quai d’Orsay a rendu publics les documents qui tendent à prouver la culpabilité du gouvernement syrien.

 

No fly zone

 

Il faut savoir que l’idée d’une intervention militaire en Syrie n’est pas nouvelle en France. Il y a un peu plus d’un an, Nicolas Sarkozy avait proposé l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne (no fly zone) au-dessus de la Syrie. Selon certains de ses proches, il serait toujours de cet avis, mais estimerait que si on avait agi l’an dernier, on n’en serait pas là.

 

Paris, qui a évité le bourbier irakien, n’a pas du tout la même hantise de l’enlisement que les Américains. Surtout que ses deux dernières interventions militaires, en Libye et au Mali, se sont relativement bien terminées sur le plan militaire. Ce n’est pourtant pas une raison pour battre le tambour. L’ancien ministre des Affaires étrangères, le socialiste Hubert Védrine, a bien résumé dans Le Monde l’argumentation du Quai d’Orsay en affirmant que les nombreuses mises en garde occidentales faites à la Syrie ne peuvent rester lettre morte. « Au point où nous en sommes, et quelles que soient les failles de l’argumentation, après de telles annonces, ne rien faire serait adresser un message d’impunité aux utilisateurs possibles de l’arme chimique et porter un coup terrible à la crédibilité occidentale. »

 

Pour l’ancien conseiller de François Mitterrand, Jacques Attali, « la France est donc maintenant coincée entre une reculade pitoyable et une offensive mal comprise ». Or, entre deux mauvaises solutions, Paris choisit sans hésiter l’offensive. À portée de missile de l’Iran, historiquement proche du monde arabe, la France peut difficilement oublier qu’un refus de punir l’utilisation de l’arme chimique pourrait demain avoir des conséquences encore plus néfastes. Quelle serait la crédibilité de l’Occident face à un chantage à l’arme nucléaire ?

 

Les élus divisés

 

Si une intervention rapide aurait probablement solidarisé la plupart des élus autour du chef des armées, le report de l’intervention vient brouiller les cartes. Il aura donné le temps aux élus opposés à l’intervention de se manifester. François Hollande se retrouve aussi devant une Assemblée nationale frustrée de ne pas avoir le privilège que Barack Obama a accordé au Congrès. Et cela, même si ni le président américain ni le président français ne sont obligés de tenir un tel vote.

 

Alors que deux Français sur trois sont opposés à une action militaire, la fronde n’a pas tardé à se manifester dans l’hémicycle. Le président du groupe UMP, Christian Jacob, a justifié son opposition en soulignant l’isolement de la France et l’absence de mandat du Conseil de sécurité de l’ONU. De nombreux élus craignent d’écorcher l’image de la France dans les pays arabes en s’alliant trop étroitement aux Américains. D’autres s’inquiètent des répercussions d’une telle intervention sur les chrétiens du monde arabe, notamment au Liban. La forte présence d’islamistes dans l’opposition syrienne en a aussi refroidi plusieurs. Surtout depuis les poussées intégristes en Égypte, en Tunisie et en Libye.

 

Les élus sont d’autant plus ambivalents que les pays arabes prêts à soutenir une action franco-américaine se comptent sur les doigts de la main. Seuls l’Arabie saoudite et les Émirats arabes se rangeraient derrière la France et les États-Unis. Deux pays étroitement liés à la France, l’Algérie et la Tunisie, sont opposés à toute action militaire.

 

Même si le premier ministre Ayrault a affirmé qu’il n’y aurait pas de vote à l’assemblée, des rumeurs évoquent la possibilité que les députés français votent en même temps que le Congrès américain. Malgré l’opposition de la droite et de l’extrême gauche, dirigée par Jean-Luc Mélenchon, l’initiative de François Hollande aurait de bonnes chances recueillir une faible majorité grâce aux dissidents de droite comme l’ancien premier ministre Alain Juppé.

 

L’Europe absente

 

Le grand absent de cette controverse demeure l’Europe. « Pour l’Europe, cette incroyable désinvolture [américaine] sonne comme un nouveau rappel. Celui de se doter d’une force militaire substantielle pour affronter les défis que les États-Unis ne relèveront désormais que de manière parcimonieuse », écrivait le politologue Zaki Laïdi. En pleine campagne électorale, la chancelière Angela Merkel a cependant déclaré que « l’Allemagne ne pourra s’impliquer que s’il y a un mandat de l’OTAN, de l’ONU ou un mandat européen ». Mandat européen qu’elle n’a par ailleurs pas l’intention de solliciter.

 

À Vilnius vendredi, les pays européens ont confirmé l’isolement de la France en disant clairement non à une intervention. « Il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien », a même affirmé le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Samedi, le secrétaire d’État, John Kerry, devait se rendre à Paris pour discuter avec son homologue français, Laurent Fabius. En attendant, la position de la France peut difficilement être plus inconfortable. Isolé en Europe, Paris voit s’affaiblir ses soutiens de jour en jour… en attendant le bon vouloir du Congrès américain.

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