Le Royaume-Uni veut filtrer le porno par défaut

Comment limiter le plus efficacement possible l’accès des internautes mineurs aux sites pornographiques ? Pour répondre à cette question dont il a fait un enjeu national, le gouvernement britannique propose une solution radicale : imposer à tous les fournisseurs d’accès de filtrer le web.
« Au Royaume-Uni, on aura des filtres qui, si vous ne les modifiez pas, activeront par défaut le contrôle parental », a expliqué en fin de semaine dernière Claire Perry, députée et conseillère du Premier ministre chargée de lutter contre « la commercialisation et la sexualisation de l’enfance ». Ce système sera appliqué non seulement aux nouveaux abonnés des opérateurs, mais également à tous les Britanniques disposant aujourd’hui d’un accès Internet, de manière rétroactive. Et il sera coriace, le fourbe : « Si vous coupez le filtre à 21h, il se rallumera tout seul le lendemain à 7h ». D’autres options sont envisagées, comme l’envoi automatique d’e-mails aux parents lorsque les enfants tentent de débrancher le contrôle parental.
Ce n’est pas la première fois que l’idée revient sur la table. Le ministre britannique des Communications avait tenté la même approche fin 2010 sans qu’elle soit suivie d’effets, et l’opérateur TalkTalk a forcé tous ses abonnés, en mars 2012, à choisir d’activer ou non leur filtre parental (un tiers d’entre eux l’ont fait). Ainsi, TalkTalk a participé à contraindre la diffusion de la pornographie en ligne tout en laissant à ses abonnés le choix final.
Mais les fournisseurs d’accès s’opposent au système tel qu’il est proposé par Claire Perry : « Nous avons déjà fait plusieurs pas vers un Internet plus sûr, avec la décision, chez plusieurs opérateurs, de présenter aux parents un choix inévitable, explique Nicholas Lansman à la BBC. Mais nous restons opposés au filtrage par défaut, car ce n’est qu’une partie de la solution. » Et d’évoquer non seulement les possibilités de contournement d’un tel filtre, mais également, et c’est plus grave, les risques de surblocage ou de sous-blocage.
Le projet de Claire Perry ne devrait pas donner lieu à un projet de loi, car elle compte sur la coopération volontaire des opérateurs. Et The Independant estime que, « vu la pression mise par le gouvernement sur la lutte contre les contenus illégaux en ligne, il est probable que les fournisseurs d’accès se plient aux ordres. »
Le sujet est en effet brûlant : la semaine dernière, sur demande du Premier ministre David Cameron, Google s’est engagé à verser un million de livres (1,2 million d’euros) à l’Internet Watch Foundation, qui surveille la pédopornographie en ligne et œuvre à demander le retrait de tout contenu de ce type qu’elle déniche. Depuis le Royaume-Uni, tous les moteurs de recherche et autres services web ont été appelés à « utiliser leurs extraordinaires capacités techniques pour en faire davantage afin de nous débarrasser de ces images abjectes. » La question est particulièrement sensible dans le pays depuis le récent procès de deux meurtriers d’enfants, adeptes de pédopornographie sur Internet.
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