Président d’Haiti Michel Martelly arrivera-t-il à gouverner ?
Michel Martelly est président de la République d’Haïti comme d’autres avant lui. Son élection n’a pas été un modèle du genre, mais selon les standards haïtiens, il est dans la moyenne de nos cinquante et quelques autres chefs d’État. Il occupe la première magistrature de l’État après avoir gravi le chemin escarpé de la prise du pouvoir. Heureusement, Michel Martelly n’a ni acheté de votes, ni corrompu de conscience, ni versé de sang pour s’installer sur le fauteuil le plus désiré de la planète. Un concours de circonstances l’a mis là où il rêvait d’être. Mais le plus dur restait à accomplir : gouverner. Élu sans appui au Parlement, le président s’est vite pris pour un souverain absolu et a voulu nommer sans concertation un Premier ministre. Après s’être cassé et recassé les dents devant les portes des deux branches du pouvoir législatif, il a laissé à d’autres mains, expertes cette fois, le soin de faire passer son premier chef de gouvernement. Garry Conille compléta le marathon. Il bénéficia de la conjonction de ses alliés au Parlement, de ses appuis au sein de la communauté internationale et de sa virginité relative sur le terrain. Il passa le test et permit à Michel Martelly de nommer son premier gouvernement. Mais le plus dur restait à accomplir : gouverner. Pressés, Martelly et la petite clique de ses conseillers (tous aussi gourmands que novices en politique) entreprirent rapidement de mettre des bâtons dans les roues de leur Premier ministre. Plus que les difficultés avec le Parlement ou la dure réalité du pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental, Garry Conille, quand il commença à se chercher des alliés pour pouvoir gouverner, succomba sous les coups bas de ceux qui l’avaient désigné. Martelly reçut un vendredi de l’an dernier la démission de son Premier ministre. En se débarrassant de Conille, les amis attablés autour du gâteau qu’est le pouvoir pensaient avoir réussi un grand coup machiavélique. Mais le plus dur restait à accomplir : gouverner. Laurent Lamothe arriva au timon des affaires. L’ami, le financier, le cerveau apprit très vite que gouverner n’est pas une affaire d’amitié. Chaque pas du Premier ministre met de l’ombre sur l’action du président, et la présidence prend ombrage de tout watt de lumière projetée sur l’action du gouvernement. L’équilibre, avec un Parlement toujours hostile et prudent, est encore, près de deux ans après l’avènement de l’équipe Tèt Kale au pouvoir, une recherche vaine. Gouverner est un exercice impossible si les trois pouvoirs ne peuvent s’entendre ni sur le minimum ni sur l’essentiel. Les escarmouches qui se suivent, les changements dans l’équipe gouvernementale, les ratés dans la tenue des promesses, le gâchis qui lentement prend place nous rappellent chaque jour que le plus dur est de gouverner. Haïti, pays de peu de ressources, vit dans les chimères d’une inaccessible splendeur. Nous faisons comme si tout va bien alors que trop souvent, sur chaque dossier et chaque projet, la moyenne obtenue est trop faible. Les occasions nous échappent et le temps passe. Pour les trois ans qu’il lui reste, Martelly, président élu et seul responsable devant la nation de son sort pour les années à venir, finira-t-il par comprendre qu’il a été installé au Palais national pas seulement pour jouir des petits, très petits avantages de la fonction qu’il occupe, mais pour accomplir le plus dur : gouverner ?

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